dimanche 15 mars 2009

7 - Des vieilles blessures qui guérissent lentement

Ah, la vie...

À quels chemins nous mène-t-elle, comment sommes nous arrivés à ce qu'on est maintenant? Sommes-nous fiers ou même contents avec ce que nous sommes? Sommes-nous ce que nous imaginions quand nous étions enfants?

Je suis fier de ce que j'ai accompli dans ma vie. Je suis libre, je suis un adulte, j'ai mes droits et mes devoirs. Mais cela ne serait jamais accompli sans l'aide de mes parents. Le fait est que j'ai l'âme d'un rebelle. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours été du trouble apparemment. Quand j'étais petit, j'étais l'enfant que vous vouliez avoir: coupe champignon, sage, les meilleures notes de la classe, bien habillé, avec des bonnes manières, poli, introverti, mais discriminé constamment parce que j'étais un nerd, parce que j'étais un petit gros ou alors parce que j'étais portugais... et mon père est un ex-militaire.

Tous ces faits on influencé ma croissance en tant que personne: "Les hommes pleurent pas", "Estie de portugais de merde, retourne donc dans ton pays!", "Maudit que t'es laid, estie de gros cul!", "T'es peut-être le meilleur de la classe, mais on peut quand-même te casser la yeule!".

Ah, les bons souvenirs... ma belle enfance à Montréal, qui a continué au Portugal (parce que là j'étais un "estie d'immigrant"). On me battait souvent, on me crachait dessus, on me vannait constamment. Le plus drôle est que j'ai toujours aimé l'adrénaline d'une bonne bagarre, de battre mon adversaire, qui avait passé de la limite. Quand je me rends compte, tous mes meilleurs amis, je me suis battu avec. J'ai gangé, ils m'ont respecté. "Les hommes ne pleurent pas", "Maudit que t'es laid, estie de gros cul!" à 18 ans j'ai pété une séquence de dépression, d'anorexie et de boulimie qui a duré plus de 2 ans. Les enfants peuvent être à la fois la chose la plus pure et la plus cruel au monde. Aujourd'hui même, j'ai des complèxes de poids.
J'ai eu ma première ulcère à 19 ans parce que je mangeais pas pendant des semaines, j'avais des problèmes d'alcoholémie, de drogues (jamais le chimique par contre, juste du pot et du hash), des insomnies (je ne dormais pas pendant des mois de suite), par conséquence, des hallucinations, j'étais amorphe, je n'avais plus aucun sentiment humain et je m'auto-mutilais juste pour savoir si j'étais encore en vie.

"Ouais, pas mal emo ton affaire..." vous devez penser. Pensée auquelle je vous réponds tout simplement "Vous n'avez pas eu un père ex-militaire". Ce n'est pas le cas. Je ne savias plus ce qu'étais la réalité ou l'horreur, mes hallucinations me montraient des images horribles, je voyait des personnages défigurés, mutilés, dans la rue. Les visages des personnes que je voyait étaient déformés, transformés. J'ai fini par m'isoler chez moi, ne plus aller dehors et à m'enfermer dans ma chambre, sans aucune lumière. Après 2 ans de ceci, je me suis dit "J'en ai assez, ça fini là". Par chance, c'était une semaine de concerts à l'université, le band qui jouait était Xutos e Pontapés, un des plus renommés et anciens bands de rock au Portugal. J'avais prit presque une boîte entière d'anti-dépressifs que j'ai volé à mon coloc d'université, un 40oz de vodka presque entier, des bons joints de hash, et je suis allé au concert. Au fait, si vous cliquez sur le nom du band, vous pourrez écouter la chanson qu'ils jouaient pendant que mon âme laissais, petit à petit, mon corps - je sentais physiquement que la fin était proche.

Je me suis amusé, j'ai vu quelques amis pour la dernière fois, j'ai prit un rum & coke (ma boisson préférée) et j'ai eu ma dernière hallucination: moi et la personne mutilée que je voyais tout le temps, qui m'empêchait de dormir, de qui j'avais peur toutes les nuits. J'ai levé mon verre en disant "See you in Hell, fuckers!", j'ai pris une gorgée de mon verre et j'ai tout de suite perdu connaissance. J'ai des vagues flashs du garde de sécurité qui me demandais si j'étais correct, de quand les infirmiers me foutaient les doigts dans la gorge pour que je vômisse, de quand j'étais dans l'ambulance et je trouvais ça drôle comment ça allait vite et, finalement, comment je me sentais pendant que je me fesait pousser dans une chaise roulante, en train de me baver sur mon épaule droite, immobile. Une overdose, ils disaient. J'ai été, sans pouvoir faire le moindre mouvement, sur une chaise roulant, pendant 6 heures, dans la salle d'attente des urgences, aux petites heures du matin. J'ai été sauvé parce qu'on m'avait fait vômir à temps, avant que mon corps puisse assimiler toutes les cochonneries que j'avais inconsciemment pris.
J'ai été paralisé, à cause des doses généreuses que j'ai prit de tout, pendant 6 heures, attendant la mort. Ouais, les systèmes de santé sont pareils partout dans le monde. Ça a été l'expérience la plus traumatisante de toute ma vie - paralisée, en train de me baver, sur une chaise roulante. Je ne pouvais faire aucun mouvement quand j'ai pris pleine conscience de moi-même, paralisé. Une tentative de suicide, mais à quoi je pensais?? J'ai recourru à l'acte le plus égoïste au monde! Et ma famille? Ma petite soeur? Mes parents? Mes grand-parents, qui m'ont élevé comme leur fils?
Je me suis maladroitement levé à toute vitesse, mon corps ne répondant pas complètement à tous mes ordres, et je suis parti. J'ai rencontré le garde de l'hôpital et lui ai demandé où étaient les toilettes en essayant de paraître normal. Il m'a indiqué la direction à prendre, je me suis lavé la face, j'ai parcouru l'hôpital en essayant de trouver une sortie et je me suis enfuit.

Le jour suivant, je me suis levé dans mon lit. Je ne sais pas comment, mais j'ai réussit à faire à pied les 10 Kms qui séparaient ma maison et l'hôpital. Je pensais que ce n'était qu'un rêve bizarre, dans ma confusion et ma gueule de bois très étrange, comme je n'avais jamais eu avant.
Quelques jours plus tard, une lettre de l'hôpital - une facture - m'a fait réaliser que ce n'avais pas été un rêve, mais oui réalité. "C'est arrivé pour vrai..." je me suis dit, en fixant la facture de mes yeux, "Et je suis encore vivant?", je me suis dit. "Mais comment? Pourquoi?".
Ce fut la fin de tout, "c'est fini, je suis encore vivant... est-ce que cela signifie que j'ai eu une deuxième chance?". Je suis né à nouveau, un nouvel homme, qui a eu une deuxième chance. "Je vais faire de moi la meilleure personne que je puisse être". Et je l'ai fait, je le suis. Personne a jamais su de ceci, même pas mes parents, je n'aurais jamais ôsé leur dire que j'ai été aussi lâche, je n'ôserais jamais leur faire de la peine, pas de cette façon. Je sais que je vais regretter cet acte le restant de mes jours, je le regrette encore. C'est pour ça que ça m'enrage de voir du monde qui se coupe juste pour le trip, ceux qui se font de victime éternelle du monde entier, des prostituées pour de l'attention, quoi.

À partir de ce jour décisif, j'ai changé, j'ai essayé d'être la personne la plus juste, honnête et honorable possible. Mais tout me semble juste une tentative d'impréssioner mon père, de lui montrer que, même si je suis différent, je suis capable, que j'ai de l'honneur, que je suis un vrai homme.

Cela fait pesque un an que je vois pas mes parents, ils sont au Portugal et moi ici. Curieusement, il y a quelques mois, j'ai mangé un souper chinois et dans le fameux biscuit qui vient avec, il y avait ce message: "Vous serez bientôt honoré par quelqu'un que vous respectez". J'ai trouvé ça assez curieux, alors je l'ai gardé dans mon porte-feuilles. Six ou sept mois après, j'ai une grande rechute - ma famille me manque vraiment beaucoup. J'envois un message texte à mon père en vidant mon coeur et en lui disant qu'ils me manquent tous énormément. Mon père me dit que je lui manque et qu'il est fier de moi. Il est fier de MOI. Ma première réaction a été d'ouvrir mon porte-feuilles et de retirer le petit mot du biscuit chinois. Ce que j'ai attendu qu'il me dise pendant des dizaines d'années! Il est fier de moi! Après tous les prix que j'ai reçu, après toutes les bonnes notes, après tous les talents que j'ai développé juste pour avoir son attention et lui montrer que je suis quelqu'un d'exceptionnel, il est fier de moi. Je suis tombé sur le cul. Je suis un vrai homme. Même si mon père a été dure avec moi quand j'était plus jeune, c'est mon héro, mon modèle, ce que j'ai toujours voulu devenir... et il est fier de moi. Il n'y a pas de mots ui peuvent décrire ce moment pour moi, aujourd'hui-même je n'y crois pas. Mais je sais que cela m'a rendu inexplicablement heureux. Ému. Un homme accompli. Toute mon enfance, j'ai attendu d'avoir un "Je t'aime" ou un "Je suis fier de toi" de mon père... et je l'ai eu.
Ce sont ces petits moments d'une vie desquels il faut se rappeler.

Désolé de vous enmerder avec un texte aussi long, mais il fallait que je vide mon coeur, c'est quelque chose qu'il fallait que je raconte, car je n'ai aucune honte de l'avouer. Je ne suis pas une victime et je sais très bien qu'il y a des gens qui ont eu (ou ont encore) une vie bien plus misérable et pénible que la mienne, mais celle-ci est la mienne, c'est tout. Né à nouveau de ses cendres, comme un phénix. J'ai promis à moi-même d'être une personne meilleure et je le suis maintenant.

À la prochaine, chers lecteurs.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Woah...c'est vraiment touchant ça. C'est incroyable parfois comment nos vies prennent des parcours raboteux et sinueux avec pleins d'obstacles, on à tendance à croire qu'on s'en sortira jamais, que c'est fini pour nous. J'ai pasé par des choses similaires à ce que tu as vécu. Mais oui, on finit par réussir, on renaît et on est plus fort qu'avant. J'ai tendance à croire que les gens qui ont vécu des choses vraiment difficiles en ressortent tellement changés, tout comme tu l'as dit à la fin. Chapeau à toi